Page:Sand - Theatre complet 4.djvu/435

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CAROLINE.

Pierre vous attend pour vous servir…

Elle veut sortir.
URBAIN.

Mademoiselle de Saint-Geneix, restez, je vous en prie ! J’ai des choses sérieuses à vous dire !

CAROLINE, descendant en scène.

Alors, donnez-moi vos ordres, monsieur le marquis.

URBAIN.

Ne me parlez pas ainsi, vous me faites beaucoup de mal. J’ai été, depuis quelque temps, très-brusque, presque impoli, peut-être même amer et blessant avec vous.

CAROLINE.

Je ne m’en suis pas aperçue, monsieur le marquis.

URBAIN.

C’est-à-dire que vous ne voulez pas me pardonner.

CAROLINE.

Ou que je n’ai rien pris pour moi de vos brusqueries.

URBAIN.

J’ai été bien ingrat ; car je vous devais les seules heures vraiment douces que j’eusse rencontrées dans ma triste vie. Cette intimité de Paris auprès de ma mère était pure et charmante ; vous me donniez une âme nouvelle, car vous faisiez naître en moi un sentiment nouveau, la confiance en moi-même. Nous nous entretenions des choses les plus élevées et les plus saines pour l’esprit, et la droiture du vôtre éclairait le mien. Il m’était bien impossible de ne pas éprouver, pour vous qui me faisiez vivre tout entier pour la première fois, une profonde reconnaissance, une respectueuse et tendre amitié. Depuis, mon état maladif que je cachais et qui s’est, hier, trahi devant vous, m’a privé de toute expansion. Votre pitié m’a pardonné mon malheur ; mais, ce pardon, accordez-le-moi tout haut. Ne laissez pas sur ma conscience, déjà bien assez troublée. Je remords d’avoir froissé un cœur aussi généreux que le vôtre, et peut-être méconnu un caractère dont la grandeur m’écrase… Je suis très-coupable envers