Page:Sand - Theatre complet 4.djvu/50

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FRANÇOISE.

Et tu ajoutais : « On voit bien, Françoise, que tu ne le connais pas ; mais, moi, à chercher cet idéal, j’ai déjà usé mes pauvres ailes ; je n’ai plus la foi, je n’ai plus l’enthousiasme… »

HENRI.

Je mentais !

FRANÇOISE, continuant.

« Je n’aime réellement que la liberté, et j’ai fait pour toujours deux parts de ma vie, l’une pour l’amitié calme et sainte, l’autre pour le caprice. » Moi, Henri, je te voyais heureux ainsi : je croyais que cela devait durer toujours ! Tu me dis que tout est changé… Tu vois bien que j’ai sujet de m’inquiéter de ton avenir.

HENRI.

Ah ! mon amie ! des obstacles que je croyais sérieux nous séparaient. Mais écoute, je suis libre ! j’ai écrit à mon père il y a quelques jours ; je lui demandais la permission d’aller le voir pour lui soumettre mes projets. Tu sais que M. de Trégenec est très-froid à mon égard, il n’a jamais rien fait pour moi ; ce n’était pas nécessaire ; mais le moment est venu où il doit s’occuper de mon sort. Il m’a répondu, ce matin, que c’est ton père qui doit en décider, qu’il remet tout entre ses mains, et qu’il le charge de m’instruire de ma position. Voilà pourquoi je courais à Bourges. En passant ici, et en voyant la maison ouverte, j’ai pensé que je vous y trouverais, et me voilà ! me voilà à tes pieds, Françoise, pour te dire que c’est toi que je veux pour femme, si je n’ai pas rêvé que j’étais la seule affection de ta vie !

FRANÇOISE.

Moi ?

MARIE-JEANNE, venant à lui.

Vrai ? dites-vous vrai ?

FRANÇOISE, se levant, éperdue.

Oh ! mon Dieu ! est-ce que tu m’aimes, toi ? (Retombant.) Non ! c’est un rêve ! Tu ne penses pas à ce que tu dis, cela n’est pas !… c’est impossible !