Page:Sand - Theatre complet 4.djvu/55

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HENRI.

À présent, je suis maître d’agir, et j’ai parlé… Mais, au lieu des transports de joie auxquels je m’attendais, car je me croyais ardemment aimé…

MARIE-JEANNE, qui apporte des fleurs, qu’elle met dans les vases.

Ah ! vous êtes joliment fat, vous, par exemple !

HENRI, impatienté.

Laisse-moi donc tranquille, toi ! Tiens, tu faisais partie de mon rêve de bonheur, avec tes soins, ta gaieté… et voilà que, depuis quelques jours, tu m’assommes !

MARIE-JEANNE.

Bien, bien, je m’en vas, monsieur.

HENRI.

Non ! (Elle sort.) Si ! va au diable ! Tu me gâtes mon poëme. La Hyonnais, que feriez-vous à ma place ?

Il s’assied sur la causeuse, à droite.
LA HYONNAIS.

Je vaincrais en moi celle des deux natures qui n’est pas la bonne et la vraie, j’écouterais et je développerais celle qui est sage et logique.

HENRI.

Ah ! oui, vous êtes un homme morale vous ! un philosophe !

LA HYONNAIS.

Vous me faites bien de l’honneur ; je ne suis peut-être qu’un égoïste, qui entend mieux que vous son affaire ! Tenez, Henri, vous êtes supérieur à ce milieu frivole que vous appelez le monde positif. Vous y poursuivez des illusions. Quoi de plus trompeur et de plus fugitif que la richesse et les avantages dont elle nous leurre ? C’est la rouge et la noire des maisons de jeu : on y cherche des systèmes, on y combine des martingales, rêvant toujours de faire sauter le banquier, et, après mille émotions poignantes, indignes d’un homme sérieux, on saute soi-même, et on reconnaît que les chances du hasard ne peuvent être enchaînées par les prévisions humaines. Croyez-moi, tout calcul qui ne repose pas sur les éléments du vrai bonheur, c’est-à-dire sur l’étude des vérités morales, sur l’a-