Page:Sand - Theatre de Nohant.djvu/197

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est obéissante, aussitôt que vous aurez dit : Il faut ! elle sera décidée, et vous aurez fait son bonheur. Voilà ce que c’est, monsieur : pardonnez-moi si j’ai dit quelque bêtise.

DURAND, après un moment de silence, d’une voix altérée.

Sortez ! (Coqueret, stupéfait, hésite. Durand, hors de lui.) Sortez donc ! (Coqueret sort tout penaud.)


Scène XIII

DURAND, seul.

C’est impossible ! Louise !… oh ! Louise !… aimer ce garçon-là ? Non, il est fou ! Je le chasserai, je chasserai Louise s’il est vrai que… je la tuerai ! (silence.) Mais qu’est-ce que j’ai donc, moi ? qu’est-ce que cela me fait ?… Cela me fait… cela me fait qu’elle est en quelque sorte ma fille adoptive, et que la fille de mon cœur et de mon intelligence ne peut pas se mésallier de la sorte ! Quoi ! descendre des hauteurs où ma tendresse et mon admiration l’avaient placée pour tomber dans les bras d’un rustre !… Ah ! les femmes ! On me l’avait bien dit que c’étaient les derniers êtres de la création ! Et moi qui faisais d’elle un ange, une sainte ! Voilà comme les savants n’entendent rien, mais rien, à la vie réelle… Mais non, non ! cent fois non ! Cela n’est pas, cela ne peut pas être. Il faut que je lui parle, là, tout de suite, que je l’interroge jusqu’au fond de l’âme, et que je la foule aux pieds si elle avoue… Mais qu’est-ce que j’ai donc ? Je n’ai jamais ressenti une pareille, colère ! C’est une colère fondée, oui, très-fondée, très-raisonnable. Une colère raisonnable ?… Non, la colère ne l’est jamais. Je veux me calmer, je veux prendre l’air, marcher, respirer ; oui, je veux chasser un peu, pour me remettre. (Il prend son fusil.) Après quoi…, de sang-froid, avec calme… Sortons ! je me sens très-mal ! (Il croit sortir, fait le tour de la chambre et tombe accablé devant son bureau, la tête dans ses mains, son fusil près de lui.)