Page:Sand - Theatre de Nohant.djvu/196

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COQUERET.

Il y a déjà quelque temps, oui, monsieur.

DURAND.

C’est quand tu te fatigues ?

COQUERET.

Non, monsieur, c’est quand je pense à la Louise.

DURAND, tressaillant.

Ah ! oui-da ! vous vous permettez d’aimer Louise, monsieur le drôle ?

COQUERET.

Bon ! il a deviné ça tout de suite, ça va bien !

DURAND, tremblant de colère.

Répondez, faquin ! Vous…

COQUERET, effrayé.

C’est pas moi, monsieur, c’est elle.

DURAND.

Comment, c’est-elle ? Qu’osez-vous dire là !

COQUERET, se tenant la tête.

Oui, monsieur, c’est elle qui a idée de m’épouser. Moi, je ne m’en souciais déjà pas tant. Je lui disais : « Nous sommes trop jeunes ; » mais elle a dit comme ça : « Nous sommes en bon âge, moi dix-sept ans, toi vingt-trois ; c’est ce qu’il faut. » Mais, moi, j’allais toujours disant : « C’est trop tôt, Louise, c’est trop tôt ! « Pour lors, monsieur, elle est tombée dans un chagrin que, tout le temps que vous avez été absent, elle n’a fait que geindre et pleurer, si bien que je me suis laissé attendrir et que la pitié m’a rendu triste et malade, et que j’ai consenti à vous en parler, monsieur, pour lui faire plaisir, à cette pauvre fille ; car, pour elle, jamais elle n’oserait vous dire combien elle m’aime, mêmement que, si vous la questionnez, elle est dans le cas de vous répondre que j’ai pris ça sous mon bonnet ; mais faut croire ce que je vous dis et pas ce qu’elle vous dira, et, comme je vois bien qu’elle en mourra, me voilà dans l’idée de l’épouser, et je viens vous le dire comme au meilleur de mes amis, à seule fin que vous lui commandiez le mariage, et, comme elle vous