Page:Sand - Theatre de Nohant.djvu/309

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SŒUR SYLVIE, jouant l’Isabelle.

« Je reçois comme je le dois, seigneur Scaramouche, les intentions que vous avez de me faire des compliments ; en proférant seulement trois paroles, vous m’avez fait douter de ma mauvaise fortune, et vous l’avez tellement changée, que je me crois assurée de la surmonter. Je souhaiterais qu’il y eût des paroles aussi bonnes que vous pour vous rendre grâces, mais il n’y a point de paroles pour cela, et le dernier effort de ma pensée serait de concevoir quelque chose digne de vous être dit. » Eh bien, répliquez-moi donc, monsieur Marielle, car je m’en vais me perdre dans mes compliments.

MARIELLE.

Mon Dieu ! j’écoute et je regarde. Cette voix pure, ces yeux graves et doux… As-tu pris garde, ma sœur, comme elle s’est transformée tout d’abord ? Tu disais bien, c’est une actrice accomplie ! Voyons donc une scène avec Cinthio.

SŒUR SYLVIE.

Est-elle dans le canevas ?

FABIO.

Certainement oui ! À nous deux, mademoiselle ! (Faisant le Cinthio.) « Ô perfidie ! Est-ce ainsi que vous trahissez vos serments ? Ah ! que vous endurez avec une belle patience les lanterneries de ce vieil homme ! Il me semblait que mon malheur était en un point qu’il ne pouvait plus croître ; mais ceci est pour m’accabler et pour consommer les restes de ma constance. »

SŒUR SYLVIE, jouant.

« Seigneur Cinthio, ma mémoire ne me rend point de compte de ces serments échangés avec les vôtres. Si vous croyez qu’un bel habit et un beau visage sont faits pour m’éblouir, vous ne connaissez point l’humeur d’Isabelle. Elle est telle, qu’à ses yeux l’honnête simplicité du vieux Scaramouche l’emporte sur votre braverie, autant que la beauté de l’âme l’emporte sur celle de la personne. »