Page:Sand - Theatre de Nohant.djvu/32

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FRANCINE.

Tiens ! oui, je savais !

BERNARD, voulant montrer ses papiers.

Et il y a encore autre chose… C’est pas le tout de se battre ; j’ai appris à me bien conduire. Tiens ! regarde mes états de service !

FRANCINE.

Je sais, je sais !

BERNARD.

Comment le savais-tu ?

FRANCINE.

J’avais vu tout ça… dans un rêve.

BERNARD.

Tu rêvais donc de moi ? Ah ! Francine, si tu rêves de moi, c’est que tu m’aimes encore !

FRANCINE, sévère.

Vous croyez, Bernard ?

BERNARD.

Je crois !… non, je ne crois plus, puisque tu me reçois si froidement. J’aurais voulu et je voudrais croire, mais je sais bien que j’ai tout fait pour que tu me méprises, pour que tu me détestes. Je le sais si bien, Francine, et j’en suis si honteux, j’en ai eu tant de chagrin et de colère contre moi, que tu ne devrais pas me faire des reproches. Ah ! les reproches. Vois-tu !… (frappant sur sa poitrine) ils sont là ; y en a lourd comme une montagne, et, si tu pouvais voir le fond de mon cœur, tu aurais plus de pitié que de rancune !

FRANCINE.

Je n’ai pas de rancune. Je suis contente que vous soyez redevenu honnête homme et bon sujet… J’en remercie le bon Dieu ; mais…

BERNARD.

Mais ça n’est pas une raison pour m’aimer ! Oui, je sais ça ! Pourtant !…

FRANCINE.

Pourquoi donc voulez-vous que je vous aime ?