Page:Sand - Theatre de Nohant.djvu/50

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FRANCINE.

Ça serait un vilain moyen ! Comment oses-tu penser à ça ?

LE FAUX BERNARD, se versant à boire.

Ah ! que veux-tu ! Faut pourtant trouver quelque chose ! Nous ne pouvons nous quitter comme ça. (Il boit.) Tu ne veux pas qu’on jase ? Eh bien, laisse-moi passer la nuit ici. Quand ton père nous verra ensemble, il pensera que c’est trop tard pour refuser. (Il boit encore.)

FRANCINE.

Allons ! tu dis de vilaines choses ! Ne bois donc pas comme ça. C’est du rhum, et le rhum ne donne jamais de bonnes idées.

LE FAUX BERNARD, buvant toujours.

Ah ! tant pis, faut que je m’étourdisse ! Au moment de te quitter, le cœur me manque. Non, ça n’est pas possible ! Francine, faisons mieux ; sauvons-nous ensemble ! Je déserterai. Oui, vingt dieux ! je déserte,  ! Nous filons en Amérique. J’ai de l’argent. Tu passeras pour ma femme, et au diable les parents, au diable le pays et tout le tremblement !

FRANCINE, lui ôtant la bouteille.

Ne buvez plus, Bernard ; vous êtes déjà ivre !

LE FAUX BERNARD, se levant, brutal et menaçant.

J’suis pas ivre du tout !

FRANCINE.

Alors vous êtes pire que vous n’étiez ; car, dans vos plus mauvais moments, vous n’auriez jamais osé me proposer ça.

LE FAUX BERNARD, menaçant.

C’est que j’étais une bête ! À c’t’ heure, faut faire comme je dis, et faut me suivre ! Allons, prends ta cape et partons ! Je le veux !

FRANCINE, à part.

Ah ! mon Dieu ! il me fait peur !

LE FAUX BERNARD.

À qui est-ce que je parle ? Voyons, en route !

FRANCINE.

Taisez-vous ! J’entends venir mon père !