Page:Sand - Theatre de Nohant.djvu/68

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ANDRÉ, rudement.

Tous les jours !

LE DRAC, préparant une lanterne et des cannes pour la pêche aux coquillages.

On y va, patron !

ANDRE, s’asseyant, à part.

C’est trop tard pour se coucher ; mais une nuit blanche, comme ça, à mon âge… (Il s’accoude sur la table. Haut.) Dis donc, toi, tu l’as pas vu partir, Bernard ?

LE DRAC.

Si, je l’ai vu !

ANDRÉ.

Qu’est-ce qu’il t’a dit ?

LE DRAC.

Qu’il ne reviendrait jamais !

ANDRÉ, frappant du poing sur la table.

Malheur ! c’est la faute à Francine ! (À part.) Quand je pense qu’il a cinquante mille francs en beaux louis d’or, qu’il me les a confiés, qu’ils sont là, et que ça pourrait être à nous, si Francine avait voulu ! Ah !… (Il s’endort.)

LE DRAC, qui l’a écouté et qui s’est approché furtivement.

De l’or, beaucoup d’or ! c’est le rêve du pauvre ! Vieillard courbé sous la fatigue, tu vas mourir sous ton toit de roseaux, bien heureux encore d’avoir pu recueillir quelques débris pour construire ta demeure au bord de l’abîme. Le vent d’hiver secouera ta porte mal jointe, la pluie ruissellera contre tes vitres enfumées… et tu pourrais acheter une villa dans la plaine, loin de ces noirs écueils, rêver sous les arbres de ton jardin…

ANDRÉ, rêvant.

Des tilleuls, des pommiers…

LE DRAC.

Oui, c’est le rêve de celui qui n’a pour horizon que des buissons épineux, des roches décharnées, des sapins au noir feuillage ! Avec de l’or, on a tout, des fleurs, des gazons, les murailles blanches d’un joli domaine, avec un banc vert sous