Page:Sand - Theatre de Nohant.djvu/86

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soleil. Le soleil ! il vient, il monte, il dissipe les terreurs de la nuit, et, jusqu’à ce soir, je ne peux plus les évoquer !…

ANDRÉ.

Sors d’ici, maudit !

LE DRAC.

Laissez, laissez-moi ! Pour aujourd’hui, je suis assez châtié : mon pouvoir s’est tourné contre moi-même, et j’ai été le jouet du spectre qui devait m’obéir ; mais vous ne pouvez rien contre moi, vous autres, et, chaque nuit, je viendrai troubler vos fêtes et empoisonner vos joies. Le premier-né de votre amour m’appartient. Je troublerai sa raison, je lui prendrai son âme ! Francine, tu pleureras sur un berceau, tu pleureras des larmes de sang !

BERNARD, menaçant.

Malheureux !… Tiens, va-t’en !

FRANCINE, le retenant.

Ton vœu, Bernard ! (Le Drac tombe à demi, comme épuisé.)

BERNARD.

C’est vrai, oui ; mais voyez donc comme il devient pâle ! Ses yeux se perdent…

FRANCINE.

Est-ce qu’il va, est-ce qu’il peut mourir ?

LE DRAC, luttant contre une force invisible.

Non, c’est cette âme embrasée qui s’échappe… Le corps veut lutter, il luttera… Qu’est-ce donc ? La mer m’appelle !… Non, je ne veux pas ! Je resterai ici… Je… Ô terre, retiens-moi ! Je ne suis pas vengé ! Ah ! le soleil ! Rayon terrible !… Pitié !… La mer !… Dieu ! (Il fuit.)


Scène XIV

ANDRÉ, BERNARD, FRANCINE.
BERNARD, le suivant au fond.

Il s’enfuit, il nous quitte… il s’envole, on dirait… oui. Mon Dieu, comme il change de figure !