jourd’hui il eût ouvert le bal avec sa fiancée, au lieu de danser avec une inconnue dont les beaux yeux l’émoustillent peut-être, mais ne sauront pas le charmer.
— Qui sait ? dit Miette avec un accent profond de résignation douloureuse.
— Qui sait ? m’écriai-je. Moi je sais que je ne souffrirai pas la moindre coquetterie entre ton fiancé et la maîtresse de ton frère !
— Mon oncle, ne la perdez pas ! reprit vivement la généreuse fille. Elle n’est la maîtresse de personne et elle est libre ! Quoi qu’il arrive, j’ai promis de lui servir de sœur et de mère. Je tiendrai ma parole.
Un incident inattendu nous interrompit. Jacques Ormonde, voyant mademoiselle de Nives lancée et craignant les suites de son imprudence, avait imaginé un moyen d’interrompre le bal. Il avait, comme pour allumer son cigare, grimpé au fanal et, comme par mégarde, il l’avait éteint, plongeant l’assemblée dans l’obscurité. Il était descendu en lançant un retentissant éclat de rire simulé et s’était perdu dans le petit tumulte provoqué par l’accident. Il y eut quelques instants de stupeur et de désordre : les uns continuaient la danse en feignant de se tromper de danseuse, d’autres cherchaient de bonne foi la leur. Quelques honnêtes filles effarouchées s’étaient retirées près de leurs parents ;