Page:Sand - Tour de Percemont.djvu/183

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dresse et des expressions de reconnaissance exagérée qui ont dû troubler profondément le pauvre Jaquet, et qui m’ont causé plus d’une fois de l’impatience ; mais on ne sait comment lui manifester le blâme qu’elle provoque. Elle n’est pas affectée, elle ne pose pas, elle est naturellement hors du vraisemblable, et pourtant elle est dans le vrai quand on peut accepter son point de vue. Nous avons causé deux heures, tête à tête dans le donjon, où j’avais allumé un grand feu de pommes de pin pour sécher ses vêtements mouillés. Il a fallu la réchauffer malgré elle. Intrépide et comme insensible à toutes les choses extérieures, elle avait marché en riant sous une pluie battante et riait encore en me voyant inquiet pour sa santé. Elle n’éprouvait pas plus d’embarras et de crainte à se trouver seule avec moi, venant à un rendez-vous facile à incriminer, que si j’eusse été son frère. La nourrice se tenait en bas, dans la cuisine, se chauffant aussi et ne s’inquiétant pas plus de nous laisser ensemble que si les excentricités de ce genre n’avaient rien de nouveau pour elle. Tout cela eût pu monter la tête à un sot ambitieux, car mademoiselle de Nives est un beau parti, et elle n’est pas difficile à compromettre ; mais tu as assez bonne opinion de moi, j’espère, pour être bien certain que je ne lui ai pas fait la cour et ne la lui ferai pas. Voilà mon roman, cher père. Dis-moi main-