Page:Sand - Tour de Percemont.djvu/30

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reux sur ma tête. Pardonne-moi, j’ai fait de la poésie ! Mes heureux jours d’adolescence me sont apparus. J’ai revu les scènes de mes pastorales oubliées. Je me suis cru transporté au temps où, dans mon habit de collégien, devenu trop court pour mes grands bras maigres, j’approchais, le cœur palpitant, de la demeure de ma petite cousine alors si jolie, si gracieuse et si confiante ! J’ai recommencé mes rêves d’amour, et il m’a semblé que ce qui avait bouleversé tout mon être d’espérances et de désirs ne pouvait pas être une illusion vaine. J’ai repris le galop, je suis arrivé haletant, fiévreux, craintif, amoureux comme à dix-sept ans !

» Ne t’impatiente pas, mon père. J’ai besoin de résumer ce qui était le passé il y a quelques heures, un passé déjà loin d’un siècle à présent.

» Je tremblais en sonnant à la porte, cette petite porte peinte en vert, toujours éraillée et raccommodée avec de gros clous comme autrefois. Je prenais plaisir à reconnaître chaque objet et à retrouver frais et touffu le gros buisson de chèvrefeuille sauvage qui ombrage cette rustique entrée. Autrefois un fil de fer tendu le long de ce berceau de pampres suffisait aux gens de la maison pour ouvrir sans se déranger ; mais cette confiance hospitalière a disparu : on me fit attendre au moins cinq minutes. Je me disais : Émilie est seule, et peut-être est-