Page:Sand - Valentine, CalmannLévy, 1912.djvu/99

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monde ; elle était seule avec son malade endormi. Le médecin lui avait défendu de le prévenir, dans la crainte que l’impatience ne lui fût trop pénible et n’augmentât son irritation.

Quand Valentine approcha du seuil de cette chaumière, elle fut saisie d’un tremblement convulsif ; mais M. Faure, venant à elle, lui dit :

— Allons, Madame, il est temps d’avoir du courage et d’en donner à ceux qui en manquent ; songez que la vie de mon malade est dans vos mains.

Valentine, réprimant aussitôt son émotion avec cette force de l’âme qui devrait détruire toutes les convictions du matérialisme, pénétra dans cette chambre grise et sombre, où gisait le malade entre ses quatre rideaux de serge verte.

Louise voulait conduire sa sœur vers Bénédict, mais M. Faure lui prenant la main :

— Nous sommes de trop ici, ma belle curieuse ; allons admirer les légumes du jardin. Et vous, Catherine, dit-il à la nourrice, installez-vous sur ce banc, au seuil de la maison, et, si quelqu’un paraissait sur le sentier, frappez des mains pour nous avertir.

Il entraîna Louise, dont les angoisses furent inexprimables durant cet entretien. Nous ne saurions affirmer si une involontaire et poignante jalousie n’entrait pas pour beaucoup dans le déplaisir de sa situation et dans les reproches qu’elle se faisait à elle-même.



XXVI.

Au léger bruit que firent les anneaux du rideau en glissant sur la tringle rouillée, Bénédict se souleva à demi éveillé et murmura le nom de Valentine. Il venait de la voir dans ses rêves ; mais quand il la vit réellement devant lui, il fit un cri de joie que Louise entendit du fond du jardin, et qui la pénétra de douleur.

— Valentine, dit-il, est-ce votre ombre qui vient m’appeler ? Je suis prêt à vous suivre.

Valentine se laissa tomber sur une chaise.

— C’est moi qui viens vous ordonner de vivre, lui répondit-elle, ou vous prier de me tuer avec vous.

— Je l’aimerais mieux ainsi, dit Bénédict.

— Ô mon ami ! dit Valentine, le suicide est un acte impie ; sans cela, nous serions réunis dans la tombe. Mais Dieu le défend ; il nous maudirait, il nous punirait par une éternelle séparation, Acceptons la vie, quelle qu’elle soit ; n’avez-vous pas en vous une pensée qui devrait vous donner du courage ?

— Laquelle, Valentine ? dites-la.