Page:Sand - Valvèdre.djvu/108

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

me calomniez, ne pouvant me comprendre ! Il est possible que vous soyez douce et bonne, mais vous n’avez jamais aimé !

— Si fait, reprit-elle : j’ai aimé… mon mari ! mais ne parlons pas d’amour, il n’est pas question de cela. Ce n’est pas de l’amour que vous avez pour moi ! Oh ! restez là, et laissez-moi tout vous dire. Vous subissez une très-vive émotion auprès de moi, je le vois bien. Votre imagination s’est exaltée, et vous me diriez que vous êtes capable de tout pour m’obtenir, que je ne vous contredirais pas. Chez les hommes, ces sortes de vouloirs sont aveugles ; mais croyez-vous que la force de votre désir vous crée un mérite quelconque ? dites, le croyez-vous ? Si vous le croyez, pourquoi refuseriez-vous à M. Moserwald un droit égal à ma bienveillance ?

Elle me faisait horriblement souffrir. Elle avait raison dans son dire ; mais n’avais-je pas raison, moi aussi, de trouver cette froide sagesse bien tardive après trois jours de confiance perfide et de muet encouragement ? Je m’en plaignis avec énergie ; j’étais outré et prêt à tout briser, dussé-je me briser moi-même.

Elle ne s’offensa de rien. Elle avait de l’expérience et peut-être l’habitude de scènes semblables.

— Tenez, reprit-elle quand j’eus exhalé mon dépit et ma douleur, vous êtes malheureux dans ce moment-ci ; mais je suis plus à plaindre que vous, et c’est pour toute la vie… Je sens que je ne guérirai