Page:Sand - Valvèdre.djvu/109

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jamais du mal que vous me faites, tandis que vous…

— Expliquez-vous ! m’écriai-je en serrant ses mains dans les miennes avec violence. Pourquoi souffririez-vous à cause de moi ?

— Parce que j’ai un rêve, un idéal que vous contristez, que vous brisez affreusement ! Depuis que j’existe, j’aspire à l’amitié, à l’amour vrai ; je peux dire ce mot-là, si celui d’amitié vous révolte. Je cherche une affection à la fois ardente et pure, une préférence absolue, exclusive, de mon âme pour un être qui la comprenne et qui consente à la remplir sans la déchirer. On ne m’a jamais offert qu’une amitié pédante et despotique, ou une passion insensée, pleine d’égoïsme ou d’exigences blessantes. En vous voyant… oh ! je peux bien vous le dire, à présent que vous l’avez déjà méprisée et refoulée en moi, j’ai senti pour vous une sympathie étrange…, perfide, à coup sûr ! J’ai rêvé, j’ai cru me sentir aimée ; mais, dès le lendemain, vous me haïssiez, vous m’outragiez… Et puis vous vous repentiez aussitôt, vous demandiez pardon avec des larmes, j’ai recommencé à croire. Vous étiez si jeune et vous paraissiez si naïf ! Trois jours se sont passés, et… voyez comme je suis coquette et rusée ! je me suis sentie heureuse et je vous le dis ! Il me semblait avoir enfin rencontré mon ami, mon frère…, mon soutien dans une vie dont vous ne pouvez deviner les souffrances et les amertumes !… Je m’endormais tranquille, insensée. Je me disais « C’est peut-être enfin lui qui est là ! » Mais, aujour-