Page:Sand - Valvèdre.djvu/119

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dait ; mais je reconnaissais avec terreur que ce qu’elle m’avait dit de son mari pourrait bien s’appliquer à moi. Je ne trouvais pas en elle ce fond de logique, cette maturité de l’esprit, cette conscience de la volonté, qui sont les indispensables bases d’une affection bienfaisante et d’une intimité heureuse. Elle s’était bien confessée, elle était femme jusqu’au bout des ongles, faite seulement pour aimer, disait-elle… faite, à coup sûr, pour allumer mille ardeurs sans qu’on pût prévoir si elle était capable de les apaiser et de les convertir un jour en bonheur durable et vrai. Un point, d’ailleurs, restait voilé dans son bref récit, et ce point terrible, l’infidélité…, les infidélités qu’on lui attribuait, je voulais et ne voulais pas l’éclaircir. Je questionnais malgré moi ; elle s’en offensa.

— Vous voulez que je vous rende compte de ma conduite ? dit-elle avec hauteur. De quel droit ? Et pourquoi me faites-vous l’honneur de m’aimer, si d’avance vous ne m’estimez pas ? Est-ce que, moi, je vous questionne ? Est-ce que je ne vous ai pas accepté tel que vous êtes, sans rien savoir de votre passé ?

— Mon passé ! m’écriai-je. Est-ce que j’ai un passé, moi ? Je suis un enfant dont tout le monde a pu suivre la vie au grand jour, et jamais je n’ai eu de motifs pour cacher la moindre de mes actions. D’ailleurs, je vous l’ai dit et je peux l’attester sur l’honneur, je n’ai jamais aimé. Je n’ai donc rien à confesser, rien à raconter, tandis que vous… vous qui repoussez la passion aveugle et confiante, et qui exigez un sentiment