Page:Sand - Valvèdre.djvu/140

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les divins hiéroglyphes. Croyez-vous que ce chêne dont le magnifique branchage vous porte à la rêverie perdrait dans votre esprit, si vous aviez examiné le frêle embryon qui l’a produit, et si vous aviez suivi les lois de son développement au sein des conditions propices que la Providence universelle lui a préparées ? Pensez-vous que cette petite mousse dont nous foulons le frais velours cesserait de vous plaire le jour où vous découvririez à la loupe le fini merveilleux de sa structure et les singularités ingénieuses de sa fructification ? Il y a plus : une foule d’objets qui vous semblent insignifiants, disparates ou incommodes dans le paysage prendraient de l’intérêt pour votre esprit et même pour vos yeux, si vous y lisiez l’histoire de la terre écrite en caractères profonds et indélébiles. Le lyriste, en général, se détourne de ces pensées, qui le mèneraient haut et loin : il ne veut faire vibrer que certaines cordes, celle de la personnalité avant tout ; mais voyez ceux qui sont vraiment grands ! Ils touchent à tout et ils interrogent jusqu’aux entrailles du roc. Ils seraient plus grands encore sans le préjugé public, sans l’ignorance générale, qui repousse comme trop abstrait ce qui ne caresse ni les passions ni les instincts. C’est que les notions sont faussées, comme je vous l’ai dit, et que les hommes d’intelligence s’amusent à faire des distinctions, des camps, des sectes dans la poursuite du vrai, si bien que ce qui est beau pour les uns ne l’est plus pour les autres. Triste résultat de la tendance exagérée aux spécialités ! Étonnante fatalité de