Page:Sand - Valvèdre.djvu/18

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d’été pour les amants de la nature qui pénétreraient dans cette région peu connue, et même qu’il servît avec dévouement tous ceux qui entreprendraient l’exploration de la montagne, à la seule condition, pour eux, de consigner leurs observations sur un certain registre qui me fut montré, et que j’avouai n’être pas destiné à enrichir. Ambroise n’en fut pas moins empressé à me complaire. J’étais l’ami d’Obernay, je ne pouvais pas ne pas être un peu savant, et Ambroise était persuadé qu’il le deviendrait lui-même, s’il ne l’était pas déjà, pour avoir hébergé souvent des personnes de mérite.

Après avoir employé les premières heures de la journée à écrire à mes parents, je descendis dans la salle commune pour déjeuner, et je m’y trouvai en tête-à-tête avec un inconnu d’environ trente-cinq ans, d’une assez belle figure, et qu’à première vue je reconnus pour un israélite. Cet homme me parut tenir le milieu entre l’extrême distinction et la repoussante vulgarité qui caractérisent chez les juifs deux races ou deux types si tranchés. Celui-ci appartenait à un type intermédiaire ou mélangé. Il parlait assez purement le français, avec un accent allemand désagréable, et montrait tour à tour de la pesanteur et de la vivacité dans l’esprit. Au premier abord, il me fut antipathique. Peu à peu il me parut assez amusant. Son originalité consistait dans une indolence physique et dans une activité d’idées extraordinaires. Mou et gras, il se faisait servir comme un prince ; curieux et commère,