Page:Sand - Valvèdre.djvu/180

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n’osai obéir. Juste me regardait, et Rosa, qui s’était beaucoup enhardie avec moi pendant le dîner, vint me prendre résolûment le bras, prétendant que tout le jeune monde devait jouer ; son papa l’avait dit. J’essayai bien de me faire passer pour vieux ; mais elle n’en tint aucun compte. Son frère ouvrit la partie de barres, et il était mon aîné. Elle me réclamait dans son camp, parce que Henri était dans le camp opposé et que je devais courir aussi bien que lui. Henri m’appela aussi, il fallut ôter mon habit et me mettre en nage. Adélaïde courait après moi avec la rapidité d’une flèche. J’avais peine à échapper à cette jeune Atalante, et je m’étonnais de tant de force unie à tant de souplesse et de grâce. Elle riait, la belle fille ; elle montrait ses dents éblouissantes. Confiante au milieu des siens, elle oubliait le tourment des regards ; elle était heureuse, elle était enfant, elle resplendissait aux feux du soleil couchant, comme ces roses que la pourpre du soir fait paraître embrasées.

Je ne la voyais pourtant qu’avec des yeux de frère. Le ciel m’est témoin que je ne songeais qu’à m’échapper de ce tourbillon de courses, de cris et de rires, pour aller rejoindre Alida. Quand, par des miracles d’obstination et de ruse, j’en fus venu à bout, je la trouvai sombre et dédaigneuse. Elle était révoltée de ma faiblesse, de mon enfantillage ; elle voulait me parler, et je n’avais pas su faire un effort pour quitter ces jeux imbéciles et pour venir à elle ! J’étais lâche, je craignais les propos, ou j’étais déjà charmé par les