Page:Sand - Valvèdre.djvu/199

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connaître. Enfin je devinai ses formes délicates sous le crêpe de son deuil, et je me hasardai à lui toucher le bras. Ce bras roidi et glacé ne sentit rien. Je me précipitai sur elle, je la soulevai, je l’entraînai. Elle se ranima faiblement et fit un effort pour me repousser.

— Où me conduisez-vous ? dit-elle avec égarement.

— Je n’en sais rien ! à l’air, au soleil ! vous êtes mourante.

— Ah ! il fallait donc me laisser mourir !… j’étais si bien !

Je poussai au hasard une porte latérale qui se présenta devant moi, et je me trouvai dans une ruelle étroite et peu fréquentée. Je vis un jardin ouvert. Alida, sans savoir où elle était, put marcher jusque-là. Je la fis entrer dans ce jardin et s’asseoir sur un banc au soleil. Nous étions chez des inconnus, des maraîchers ; les patrons étaient absents. Un journalier qui travaillait dans un carré de légumes nous regarda entrer, et, supposant que nous étions de la maison, il se remit à l’ouvrage sans plus s’occuper de nous.

Le hasard amenait donc ce tête-à-tête impossible ! Quand Alida se sentit ranimée par la chaleur, je la conduisis au bout de ce jardin assez profond, qui remontait la colline de la vieille ville, et je m’assis auprès d’elle sous un berceau de houblon.

Elle m’écouta longtemps sans rien dire ; puis, me laissant prendre ses mains tièdes et tremblantes, elle s’avoua désarmée.

— Je suis brisée, me dit-elle, et je vous écoute