Page:Sand - Valvèdre.djvu/301

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que je souffre, vois-tu ; cela m’est bon, c’est là ce qui me purifie. L’amour serait vraiment trop facile, si on pouvait se donner à lui sans briser avec ses autres devoirs. Il n’en est pas ainsi, et Valvèdre, s’il m’écoutait, dirait que je proclame un blasphème ou un sophisme, lui qui ne comprenait pas que ce qu’il appelait une oisiveté coupable pût être l’idéal dévouement que j’exigeais de lui ; mais, selon moi, le sophisme est de croire que la passion ne soit pas l’immolation des choses les plus chères et les plus sacrées, et voilà pourquoi je veux que tu me laisses venir à toi, dépouillée de tout autre bonheur que toi-même…

Oui, je le crois aujourd’hui, moi aussi, que l’infortunée Alida proclamait un effrayant sophisme, que Valvèdre avait raison contre elle, que le devoir accompli rend l’amour plus fervent, et que lui seul le rend durable, tandis que le remords dessèche ou tue ; mais, dans le triomphe de la passion, dans l’ivresse de la reconnaissance, j’écoutais Alida comme l’oracle des divins mystères, comme la prêtresse du dieu véritable, et je partageais son rêve immense, son aspiration vers l’impossible. Je me disais aussi qu’il n’y a pas qu’une seule route pour s’élever vers le vrai ; que, si la perfection semble être dans la religion du droit et dans les sanctifiantes vertus de la famille, il y a un lieu de refuge, une oasis, un temple nouveau pour ceux dont la fatalité a renversé les autels et les foyers ; que ce droit d’asile sur les hauteurs, ce n’était pas la froide abstinence, la mort volontaire, mais le vivifiant