Page:Sand - Valvèdre.djvu/357

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arides. Elle n’est donc pas seulement son élève reconnaissante, elle est son fervent disciple ; il est, lui, sa religion, son révélateur, l’intermédiaire entre elle et Dieu. Cette foi date de l’enfance, et ne périra qu’avec elle. Valvèdre ne peut pas l’ignorer ; mais Valvèdre ne se croit pas aimé autrement que comme un père, et, quoiqu’il ait été plus d’une fois, dans ces derniers temps surtout, très-ému, plus que paternellement ému en la regardant, il se juge trop âgé pour lui plaire. Il a combattu sans relâche son inclination et l’a si vaillamment refoulée, qu’on eût pu la croire vaincue…

— Ami, dis-je en interrompant Obernay, puisque nous avons entamé un sujet aussi délicat, dis-moi tout… Déjà j’ai été allégé d’un remords affreux en apprenant, grâce à tes investigations, que madame de Valvèdre était mortellement atteinte avant de me connaître. Dis-moi maintenant, — ce que je n’ai jamais osé chercher à savoir, — ce que Moserwald croyait avoir deviné : dis-moi si Valvèdre avait encore de l’amour pour sa femme quand je l’ai enlevée.

— Non, répondit Obernay ; je sais que non, j’en suis certain.

— Il te l’a dit, je le sais, il t’a parlé d’elle avec le plus profond détachement, il se croyait bien guéri ; mais l’amour a des inconséquences mystérieuses.

— La passion, oui ; l’amour, non ! La passion est illogique et incompréhensible ; c’est là son caractère, et je te dirai ici un mot de Valvèdre : « La passion est un amour malade qui est devenu fou ! »