Page:Sandre - Le purgatoire, 1924.djvu/126

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
114
le purgatoire

animées des camarades, est une fatigue. S’étendre sur le lit et se renfermer en soi en cherchant des souvenirs est une douleur. Que faire ? Se planter derrière la fenêtre fermée et regarder le spectacle de l’immense cour ? Peut-être, mais quelle vanité !

La parade de garde, au son des fifres, offre une distraction de quelques instants. Elle a lieu précisément sous ma fenêtre. Toute une compagnie y prend part, garde montante et garde descendante comprises, car il n’y a pas moins de soixante sentinelles au camp de Mayence, d’après le Belge. La parade est d’une discipline à la fois imposante et ridicule. Imposante, parce qu’on sent qu’une volonté de fer plie tous ces corps à tous ces mouvements scandés avec un ensemble parfait. Ridicule aussi, parce que ces mouvements sont saccadés, et que le fameux pas de l’oie, exempt de souplesse et lourd d’automatisme, est un exercice qui doit faire rire. Bergson le démontrerait aisément.

Tels furent à peu près les seuls incidents notables de la journée. On trouvera sans doute que c’est perdre son temps que de consigner ces faits si menus. Je juge de mon côté que ces détails ont de l’importance, car leur somme me donnera le total exact des sentiments que j’ai éprouvés au contact d’une race étrangère, des opinions que je m’en suis faites, et des enseignements que j’en ai tirés, aussi bien pour moi que pour les lecteurs de bonne volonté. Le désert n’est constitué que d’une agglomération de grains de sable, et le désert est une chose terrible.

À la fin de cette troisième journée de quarantaine, nous n’étions plus que huit dans le saloir de Mayence, et huit, parce qu’on avait réuni dans la chambre