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le purgatoire

Heidelberg, cité des étudiants, sonne faux dans ma mémoire ! Je n’ai rien vu de la ville. La nuit est sombre. Je n’ai rien vu non plus de Carlsruhe, où nous arrivâmes vers quatre heures du matin. J’aurais pourtant désiré de chercher les ruines dont nous parlait notre gardien, car il paraît que nos aviateurs ont bombardé sérieusement la capitale du Grand-Duché de Bade. Une bombe aurait même touché le palais ducal. Mais nous repartions avant l’aurore.

À Offenburg, le train s’arrêta pendant vingt minutes. Nous ignorions toujours où l’on nous emmenait. Vers la Forêt-Noire ? Vers le Wurtemberg ? Dehors, maintenant, c’était le soleil. Dans le lointain, à droite, des montagnes bleues se dressaient. Le paysage n’a rien de comparable aux environs de Mayence. Les maisons sont coquettes, comme les classiques chalets suisses, maisons de fantaisie, maisons-jouets, avec des balcons de bois découpé, des toits pointus et des corniches ajourées. Les prairies, d’un vert normand, percées d’innombrables petits canaux, sont couvertes d’arbres fruitiers. Nous approchons d’un village dont nous n’apercevons d’abord que des toits énormes, couleur de terre, qui ont l’air d’écraser des murs bas. C’est Biberach-Bell. Puis c’est Haslach. Sur la route, qui s’allonge en suivant la voie ferrée, un chariot passe, traîné par deux bœufs harnachés comme le sont chez nous les chevaux. Tous les petits villages que nous traversons paraissent extrêmement propres, autant qu’on puisse en juger de loin, et il s’en dégage une impression de fraîcheur. Mais nous sommes en Allemagne, et, pour que nous ne l’oubliions pas, voici un hiatus qui blesse : ce pont métallique de forme trapue