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faisant ainsi l’acquisition forcée d’un matériel qui demeurerait après la guerre la propriété de l’Allemagne. Déjà, lecteur indulgent, je vois votre optimisme qui s’évanouit. Et vous avez compris que toute cette mise en scène des premiers jours du camp de Vöhrenbach, où l’on n’avait à dessein rassemblé que des officiers pris à Verdun, n’était qu’une mise en scène destinée à nous éberluer et, trompant nos familles sur notre sort et la vaine détresse de l’Allemagne, à semer en France le mauvais grain de la sympathie criminelle, du doute et du désespoir. Tout était organisé, vous dis-je, en Allemagne, pour arracher la victoire au Dieu juste qui la refusait.

Cette étrange organisation de manœuvres doucereuses, que le gouvernement impérial et royal de Berlin échafaude contre les officiers français et que le gouvernement républicain de Paris ignore et ne retourne pas contre les officiers allemands, parce que nous estimons chez nous qu’un prisonnier de guerre n’est pas un bandit, même s’il naquit en Brandebourg, et aussi parce que chez nous, hélas, nous menons la guerre au petit bonheur, au jour le jour, à la va-comme-je-te-pousse, avec des expédients, en ménageant la chèvre et le chou, — méthode coûteuse, si l’on peut donner un nom pareil à une politique sans méthode, — cette étrange organisation boche, je l’ai retrouvée partout en Allemagne, pendant les neuf mois de ma captivité. Pour comble, et comme si nous étions trop sots pour en saisir le sens pourtant limpide, les geôliers jugeaient nécessaire d’ouvrir les yeux des plus aveugles et de leur mettre le doigt sur la plaie. La kommandantur des camps éprouvait le besoin de souligner par