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le camp de vöhrenbach

des ordres et des commentaires écrits ou oraux la qualité des misères qu’on nous imposait.

Ainsi, le soir même de notre arrivée à Vöhrenbach, les quinze officiers de notre détachement furent appelés dans le corridor du premier étage, pour y subir le discours « de bienvenue » du commandant du camp.

Le maître de nos personnes était un oberst, un colonel aux cheveux blancs, barbu, large d’épaules, haut de taille, voûté : le colonel classique de 1870. En 1866, il avait combattu à Sadowa contre les Autrichiens, et il avait combattu déjà contre les Français à Sedan. On prétendait qu’un de ses fils était captif en France. Le vieillard à la marche mal assurée nous salua et nous lut sa harangue, qui était dactylographiée. Il prononçait lentement les phrases françaises dont il n’avait que peu d’habitude, il n’avait pas toujours l’air de comprendre ce qu’il lisait, et il mettait à chaque mot un accent tonique si marqué que les plus découragés d’entre nous se mordaient les lèvres pour rester sérieux. Il nous dit :

— Messieurs, je me présente à vous en commandeur de ce camp. Je n’ai pas à faire d’enquêtes sur la façon dont vous avez été pris. Je vous traiterai en gens d’honneur, et vous me trouverez toujours prêt à aller au-devant de vos désirs. De votre côté, j’espère que vous vous conduirez en officiers, messieurs, et que vous observerez la discipline la plus stricte. Vous savez que vous n’avez pas le droit de parler à nos soldats et que vous n’avez pas le droit de vous approcher trop près des fils de fer de clôture. Les sentinelles vous feront connaître leurs ordres par gestes, et, si