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le purgatoire

vous n’obéissez pas, elles feront usage de leurs armes. Toute résistance est inutile.

Ces quatre mots, le colonel les hurla de toutes ses forces, avec un tact parfait, et la fin de son discours fut scandée d’une voix violente. Il poursuivit :

— En cas d’indiscipline, le poste aussi fera usage de son arme. Enfin, messieurs, vous serez traités ici comme il est à souhaiter que nos officiers prisonniers le soient chez vous, en France.

La patte de velours du début détendait ses griffes, Les paroles de l’oberst de Vöhrenbach ne différaient guère des paroles du censeur de Mayence.

L’oberst était plus franchement brutal et moins hypocrite peut-être que le censeur, mais leurs pensées se rejoignaient malgré leurs caractères dissemblables. Soldats, ils exécutaient une consigne où leur tempérament trouvait son compte. Tous deux nous avaient caressés de promesses fort vagues et ne nous avaient en revanche pas mesuré les menaces précises. Car, si les Allemands traitent de cette façon les gens d’honneur, comme ils disent, de quelle façon traiteraient-ils donc les autres ?

Par la suite, le vieil oberst, qui était Freiherr von Seckendorff, se révéla ce qu’il avait été pour nous dès la première heure : un homme indécis, qui voulait paraître juste et aimable et qui, dans le vrai de son cœur, regrettait de n’avoir pas l’audace de nous châtier avec la rigueur la plus dure. Prussien, il nous haïssait. Et, s’il ne nous infligea pas des tortures corporelles, c’est uniquement parce qu’il craignait que ses camarades, les chers barons prisonniers de la France, ne subissent chez nous des représailles trop justifiées.