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Page:Sandre - Le purgatoire, 1924.djvu/169

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à André Lamandé


CHAPITRE XII

têtes de boches
(5 avril 1916).


Le camp de Vöhrenbach était commandé par l’oberst Freiherr von Seckendorff, vieillard grognon que nous appelions Kœniggraetz, parce qu’il avait jadis combattu à Sadowa et parce que des prisonniers français ne seraient pas français s’ils ne coiffaient pas leurs geôliers d’un surnom. Le bonhomme en vit de toutes les couleurs. Son attitude dès le début trahissait le désir qu’il avait de vivre sans histoires. Malheureusement pour lui, nous n’étions pas décidés à jouer les chiens couchants, et Kœniggraetz ne goûta à peu près jamais la tranquillité qu’il souhaitait, s’il la souhaita. Écœuré de notre ingratitude autant que mû par son tempérament de hobereau soudard, il occupa ses journées à nous chercher des poux. Quand son imagination ne lui suggérait aucune tracasserie, il s’en prenait aux sentinelles du poste de police, hommes de la landstùrm, auxquels il avait toujours quelque chose à reprocher. Il hésitait quelquefois à nous injurier, et sa rage s’abattait alors sur le personnel du corps de garde qu’il