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le purgatoire

lettres cachées, les boussoles, les cartes et l’argent allemand qui devaient permettre des évasions. Quelquefois, une riche trouvaille enchantait la kommandantur. L’officier coupable était puni. Mais que de choses les plus malins ont publiées ! Je ne veux révéler ici aucun procédé, mais je peux dire que l’ingéniosité des expéditeurs nous surprenait souvent nous-mêmes. Les Boches savaient que nous recevions des cartes et des boussoles, mais elles s’éclipsaient admirablement. Des articles de journaux français arrivaient jusque sous les fenêtres de la kommandantur. On redoublait de vigilance et de ruse de part et d’autre. L’heure des colis était toute de fièvre. Chaque distribution avait l’allure d’un combat. Et combien furent subtilisés en entier, même de dimensions considérables, sous les yeux des trois censeurs et des deux hommes de corvée qui gardaient le lot défendu !

Un officier allemand se distinguait des autres, au camp de Vöhrenbach, par une attitude nettement différente. À cause de son physique, nous l’avions surnommé le Lièvre effrayé. Il traînait la patte, ayant été grièvement blessé du côté de Saint-Quentin en 1914, et il avait un air effaré dès qu’il rencontrait un groupe d’officiers français. Quand il était chargé de l’appel, il se hâtait de nous compter pour endurer moins longtemps le tête-à-tête. Il s’occupait de l’ordinaire et de la kantine. Jeune, il était certainement le moins répugnant de nos geôliers. Certes, il ne nous distribuait pas les douceurs à pleine poignée, car il n’avait pas à nous en distribuer, et il s’acquittait de ses fonctions ponctuellement. Il ne nous témoignait non plus aucune sympathie. Mais les brimades aux-