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têtes de boches

Barzinque pourpre de confusion. À son avis, nos planchers n’étaient jamais assez propres, et nos lits étaient pliés toujours trop tard. Comme il n’osait pas nous adresser d’observations, il harcelait nos ordonnances, qui l’envoyaient à la promenade. Il parlait fort peu le français et ne le comprenait guère, bien qu’il prît des leçons acharnées. On pouvait risquer toutes les facéties avec ce guignol.

Un jour, il entra dans une chambre :

— Bonjour, messieurs.

Poli, il tenait sa casquette à la main et cherchait dans sa mémoire la phrase qu’il avait préparée. Son crâne chauve luisait au soleil. Nul ne venait à son secours et il roulait des yeux d’homme qui se noie.

— Tu peux te couvrir, lui dit un lieutenant. La tête de veau, ça se mange froid.

— Oui, oui, fit-il lentement. Et, se coiffant, il sortit.

Un autre jour, il entra dans une autre chambre.

— Bonjour, messieurs.

C’était sa façon de se présenter, le sourire aux lèvres et la casquette ôtée. Mais cet effort lui faisait perdre le fil de ses idées, qu’il désirait exprimer en français. Cette fois, il se débrouilla tant bien que mal, et on finit par deviner que, l’oberst ayant résolu de passer une revue de casernement, le lendemain, après l’appel, il fallait déplacer deux armoires, qu’on avait dressées en équerre près de la porte pour que Sabre de bois, dit Barzinque, nous espionnât plus difficilement.

Le lendemain matin, avant l’appel, Barzinque revint. Les officiers s’habillaient au milieu d’un joli tohu-bohu.