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offiziergefangenenlager

l’alphabet slave et à se tirer tant bien que mal d’une page des Voyages de Gulliver, qu’ils durent renoncer à pousser plus loin. Le camp de Vöhrenbach devenait camp de représailles, et les compagnons anglais et russes nous quittèrent. Seuls les Français devaient connaître les joies du sévère régime. Ce fut une débâcle.

La musique était pour beaucoup un refuge. La kommandantur avait loué un piano. La kantine fournissait des violons, des flûtes, et jusqu’à des cithares dont on pouvait jouer sans initiation aucune. Un groupe de capitaines et de lieutenants s’exerçait à déchiffrer les quatuors les plus ardus. L’heure où il nous était permis de les écouter était une heure d’un grand prix. Mais le programme des représailles nous interdit la musique, et les officiers gardèrent leurs instruments dans les étuis de carton que la kantine refusa de reprendre.

Grâce à des cotisations, nous avions créé une bibliothèque. En attendant que la charité française vînt à notre aide, elle était bien modeste, notre bibliothèque de Vöhrenbach, à ses débuts. Toute sa richesse consistait en quelques romans des collections à 0 fr. 95 de Fayard, de Calmann-Lévy, de Laffitte et d’Albin Michel. Toutes les œuvres n’étaient pas de choix. Nous avions dû accepter ce que la kantine avait pu concentrer de volumes divers. Et nul d’entre nous ne sut jamais par quel mystère figuraient au catalogue les Aventures du Colonel Ramollot.

Pourtant, aux premiers jours de notre captivité, nous étions encore si las et si meurtris que nous trouvions souvent un peu de charme à nous étendre au