Le feldwebel de l’infirmerie ne valait pas mieux. Nous l’appelions Makoko, à cause de son teint chocolat et de ses cheveux noirs et crépus. Son origine posait un point d’interrogation. Il nous plaisait d’imaginer en lui l’arrière-produit d’une fille du Rhin et d’un de ces mameluks puissants que Napoléon traînait derrière lui. Si nous nous trompions, le Makoko devenait un mystère ethnographique. Son emploi d’infirmier lui laissait des loisirs, car l’infirmerie ne disposait d’aucun médicament et, en outre, elle nous fut fermée dès le premier jour des représailles. Aussi Makoko se rendait-il indispensable en remplissant le noble office d’espion. Il s’en acquittait à merveille et méritait de la sorte de ne pas être envoyé aux armées.
Se rendre indispensable pour rester à l’intérieur, c’était l’ambition évidente de tous nos geôliers. On conçoit qu’ils ne s’endormaient pas à la tâche. Leur intérêt immédiat les poussait à ne nous épargner aucune turpitude : par là, ils gagnaient l’estime de leurs chefs, et leur haine native de tout ce qui est français s’accroissait, tout naturellement, du besoin d’aboyer et de mordre, que leur veulerie nécessitait.