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le régime des représailles

devant le camp en chantant la Wacht am Rhein. Nous répondîmes en chantant la Marseillaise une fois de plus. On nous défendit de la chanter, sous peine des pires châtiments. Le capitaine Chéron porta une lettre de protestation à la kommandantur : il fut expédié dans un camp de représailles plus rudes, en Pologne.

Au milieu de l’effervescence générale, des évasions ajoutaient leur pittoresque. Un même soir, à la tombée de la nuit, trois officiers franchirent les clôtures. Comme par hasard, les lampes à arc refusèrent de s’allumer dans la cour. L’électricien cherchait en vain les causes de l’accident. On crut à une manœuvre d’un prisonnier. Toute la garnison de Vöhrenbach prit les armes et accourut au pas gymnastique. On craignait une mutinerie. On alluma des torches. On organisa des patrouilles. On doubla les sentinelles. Tout le monde était aux abois. La femme du censeur assistait à l’alerte. Des cris montaient :

Posten ! Posten !

Posten !

Nuit superbe. À dix heures et demie, Barzinque s’aperçut que deux officiers manquaient. Il était fou de joie. Tout le camp respira. On s’attendait à une catastrophe, et il ne s’agissait que d’une évasion ! La tragédie s’achevait en farce. Seul, le vieil oberst Freiherr von Seckendorff, dit Kœniggraetz, ne riait pas.

Le jour vint où l’on nous distribua les fameuses paillasses dont on nous menaçait depuis longtemps. Au lieu de paille, elles contenaient des copeaux, qu’on nomme là-bas Baùmwolle, ou laine de bois. Quel pays ! Cela produisit de nouvelles réclamations : nous vou-