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le purgatoire

Freie Presse de Vienne, tandis que tel enfin préfère Der Bùnd de Berne. On ne peut pas lire tous les journaux allemands : le Vorwaerts, par exemple, et les cahiers où pérore Maximilien Harden nous sont interdits. En revanche, certaines feuilles suisses, telles que le Bùnd ou le Berner Tagblatt, sont permises. Inutile, j’imagine, d’insinuer que ces journaux sont pour nous d’une neutralité suspecte. Et la preuve en est qu’on me refusa à Vöhrenbach un abonnement aux Basler Nachrichten, qui ne paraissaient pas assez neutres sans doute à monsieur le Censeur. Car il y a des neutralités que l’Allemagne n’admet pas : celle du Journal de Genève ou de la Gazette de Lauzanne n’entrait pas plus dans nos camps que la partialité de l’Action Française ou du Figaro.

Cependant, l’Allemagne ne nous condamnait pas à ne lire que des journaux de langue allemande. Je dis : de langue, car c’est tout ce que n’avaient pas d’allemand la Gazette des Ardennes, le Petit Bruxellois, et le Continental Times. Les Français et les Anglais pouvaient tous comprendre la lettre, sinon l’esprit de ces horribles papiers. La Gazette des Ardennes, la plus notoire, était une arme aussi dangereuse que les gaz asphyxiants. Elle attaquait le moral des populations envahies et des camps de prisonniers. On ne songe pas sans angoisse au désespoir qui a dû frapper les esprits faibles et livrés à eux-mêmes, quand on leur prouvait que tout allait en France et chez les alliés comme dans le pire des mondes. Pour quiconque ne savait pas lire, les articles étaient bien écrits. Pas un numéro de la Gazette des Ardennes ne paraissait sans contenir des « morceaux choisis » de Clemenceau