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des chambrettes à rouvrois

peut faire d’une bourgade en l’anéantissant comme à Souchez, par exemple, et en l’écrasant sous les obus au point de ne plus permettre à l’agent de liaison égaré de retrouver même l’emplacement approximatif de l’église. Mais ce village que nous avons devant nous a été systématiquement détruit par l’ennemi. Quelques maisons sont en ruines, certes, et des canons ou des avions en sont la cause à peu près certaine : mais toutes les autres maisons qui sont intactes, ou du moins qui ont encore leurs murs debout, n’ont pas autre chose : les portes, les fenêtres, les planchers, les poutres, les chevrons, tout ce qui est charpente ou menuiserie, et naturellement les meubles aussi, on a tout enlevé, soit pour étayer des tranchées ou construire des abris-cavernes, soit pour faire du feu. Et je ne parle pas de tout ce que l’on a pu expédier en Allemagne. C’est le premier village de ce genre que nous voyons : une tristesse lourde nous pèse sur les épaules.

Il nous faut traverser ce village mort dans toute sa longueur, en pataugeant dans la neige et la boue, et en évitant de nous cogner aux hommes de corvée qui grouillent autour de nous. C’est ici le même ordre et le même silence que nous avons remarqués près de la ligne de feu. On nous regarde beaucoup, mais personne ne nous adresse la parole. Le cuirassier s’informe du chemin à suivre. On nous conduit au P. C. de la division, qui se trouve en dehors de l’agglomération.

Un long sentier de caillebotis nous dirige vers le point que nous croyons être le terme de notre route. Nous nous y engageons, heureux d’échapper à la