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le purgatoire

boue glaciale. Nous sommes en pleine campagne. D’immenses tentes se dressent devant nous : c’est un lazarett (hôpital). Nous nous rangeons pour laisser passer un blessé que l’on ramène sur un brancard de la salle d’opérations. À notre gauche, un moteur ronfle. Nous pensons que c’est grâce à lui que tout le campement que nous traversons est éclairé à la lumière électrique.

Le P. C. de la division est un gourbi vraiment colossal, creusé dans la terre, couvert et étayé d’un nombre surprenant de rondins, et l’ensemble a la forme d’une pyramide de proportions excessives. Jamais nous n’avions vu d’abri de cette importance. Il est vrai que la vie d’un général de division est chose sacrée en Allemagne, et nous n’ignorons pas que le Kronprinz lui-même a donné l’exemple des précautions à prendre à la guerre. On accède au P. C. par un couloir à ciel ouvert taillé dans le flanc de la pyramide. Au fond, deux portes. Le cuirassier frappe à l’une d’elles et pénètre dans une vaste salle où nous apercevons plusieurs officiers. Nous attendons devant la porte, pendant que notre cuirassier rend compte de notre arrivée et remet l’ordre écrit qui nous accompagne. Deux officiers sortent nu-tête, crânes tondus, nous regardent, ne nous disent rien, et rentrent. Une ordonnance pénètre à son tour dans la grande salle avec un plateau où je compte huit verres. Ces messieurs vont sans doute célébrer leur victoire de la journée, et ce n’est probablement pas pour nous convier à la fêter avec eux qu’ils se font apporter ces verres. Non, certainement ; car peu de temps après, le cuirassier sort du P. C., et il n’a pas l’air content.