Page:Sandre - Le purgatoire, 1924.djvu/97

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officier d’artillerie, et, au camp de Mayence, il est chargé de la censure.

Le censeur pose sur la table un paquet d’imprimés et nous les distribue à raison de deux par individu. Ce sont des fiches de renseignements que nous devons remplir nous-mêmes en double expédition : l’une restera entre les mains de l’autorité allemande, l’autre sera envoyée en Suisse, au bureau Central de l’office des Prisonniers de Guerre, qui fonctionne à Genève sous les soins de la Croix-Rouge. Nom, prénoms, date et lieu de notre capture, telles sont les questions auxquelles nous avons à répondre. Elles ne sont que d’identité et d’état-civil. Mais il serait surprenant que rien ne fût tenté pour obtenir, peut-être, par accident, un détail intéressant d’ordre militaire.

En effet, voici le piège où l’on nous attend :

— À quel corps appartenez-vous ? À quelle compagnie ?

… À quelle brigade ? À quelle division ?

… À quelle armée ?

Comme je laisse en blanc l’espace réservé aux réponses de ces questions indiscrètes, l’oberleùtnant s’en aperçoit et m’en fait la remarque. Herr Schmidt est un malin. Il n’insiste pas, pour ne pas éveiller mon attention. Sur un ton détaché et comme s’il ne tenait pas plus que cela à être renseigné, il me dit en souriant :

— Vous faisiez partie de l’armée Pétain ?

Mais je ne suis pas plus bête que l’astucieux censeur, et je lui réponds, en souriant aussi :

— Je ne sais pas.

Herr Schmidt va d’un prisonnier à l’autre, surveil-