lant son enquête, jetant un mot à gauche, donnant une indication à droite, se répandant en gentillesses. De lui-même, peu à peu, il nous apprend ce que sera notre existence en captivité, car nous n’avons pas la moindre idée du sort qui nous attend. En dix-neuf mois de campagne, je n’ai guère passé que quelques jours de permission à Paris. Je n’ai pas vécu à l’intérieur. J’ignore tout du traitement que reçoivent en France les prisonniers allemands et jamais je ne me suis inquiété de ces choses. Nous laissera-t-on dans cette citadelle où l’inaction sera le supplice de toutes nos heures ? Nous fera-t-on encadrer des corvées de travailleurs ? Nous imaginons mille solutions. En fait, nul de nous ne sait rien. Le censeur de Mayence nous tire un peu de cette incertitude.
En premier lieu, nous demeurerons dans la chambre no 28 pendant quatre ou cinq jours.
— C’est une espèce de quarantaine, nous explique Herr Schmidt, à cause des épidémies. On désinfectera votre linge et vos vêtements, vous prendrez des douches. Puis vous sortirez, et on vous affectera à une chambre de la citadelle, et vous partagerez la vie des camarades que vous voyez dans la cour. Vous pourrez faire tout ce que vous voudrez dans les limites du camp. Vous n’aurez qu’un certain nombre de consignes à respecter, et c’est tout. Vous serez maîtres de vous-mêmes et libres.
Herr Schmidt sourit. Si nous ne sentions pas la féroce ironie de ses paroles, nous lui demanderions si c’est vraiment sous ces espèces qu’on se représente l’idée de liberté en Allemagne.
— Vous serez bien, dit-il.