Page:Sansot-Orland - Jules Lemaître, 1903.djvu/27

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 21 —

OPINIONS ET DOCUMENTS


De M. Hugues Le Roux :



Vous savez bien ce que le vulgaire entend par un critique. C’est un homme auquel les simples accordent la faculté supérieure de ne point tromper en jugeant, de rendre des arrêts au nom d’une vérité absolue et connue tout entière. Ils sont, de par le monde, une foule de braves gens qui n’ont ni le temps, ni l’intelligence de se former par eux-mêmes une opinion sur leurs lectures. Ces simples souhaitent pourtant adhérer à la vérité ; ils imaginent volontiers qu’il y a une orthodoxie littéraire, que certains hommes sont, à la façon des prêtres, dépositaires de cette vérité éternelle, et, très docilement, ils s’adressent à ces privilégiés pour qu’ils les fassent sortir des ténèbres de leur ignorance. Ils appellent ces directeurs de leur goût des critiques. Et plus ces maîtres sont affirmatifs et violents, plus ils ont le cerveau étroit, plus ils sont systématiques, plus ils sont dogmatiques, plus ils rallient de croyants à leurs convictions. Pour la foule, le critique idéal est un homme qui répète plusieurs fois dans ses articles : « Voilà la vérité, et tous ceux qui ne pensent pas comme moi sont des imbéciles. »

Jules Lemaître présente ce phénomène tout à fait particulier : c’est un critique qui n’a aucune espèce de foi, qui ne croit qu’à la relativité des jugements,