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MŒURS FIN DE SIÈCLE


de liqueur et un paquet de cigarettes ; elle buvait et fumait pour se raffermir les gencives ; chaque fois, le jeune homme la trouvait de plus en plus tassée sur elle-même, il lui semblait qu’elle se rapetissait peu à peu, gagnant en rondeur ce qu’elle perdait en hauteur. Elle se pesait fréquemment, et constatait que la résultante de toutes les actions que la pesanteur exerçait sur son corps augmentait quotidiennement. Elle avait toujours soin de se rendre à la garde-robe avant de se placer sur la bascule, dans le but d’obtenir un poids plus net.

L’action contraire se produisait chez Noirof ; il maigrissait et grandissait ; un prurit de mouvement le harcelait, il ne pouvait demeurer en place. La marche lui faisait horreur, il abominait les gens qui ne se faisaient pas transbahuter en sapin. Comme conséquence logique, il plaçait les chevaux et les cochers dans son cœur. Il saluait un train, et l’idée que l’on parviendrait un jour à faire le tour du monde