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la jeune fille.

fond de leur conscience, elle ranime leur vouloir, elle discipline leurs nerfs ; elle développe lentement la perfection dont ils sont susceptibles, ainsi que leur santé morale et physique. Quand, par hasard, vous dites à ce garçon ou à cette fille qui a devant les yeux l’exemple de votre labeur cette simple phrase : « Il faut travailler », elle prend instantanément pour lui un sens, et le plus haut, et le plus noble, et n’éveille point cette fâcheuse idée de contradiction qui est la honte de l’autre manière : celle qui asservit de pauvres enfants sans défense, sous prétexte de les élever… Comment voulez-vous, par exemple, qu’un malheureux petit, ballotté entre un père libertin et une mère acariâtre, et vivant dans une atmosphère de scènes, dans un air de mensonges, prête une signification aux préceptes de morale qu’on lui formule ?… Pour lui, l’éducation deviendra l’art suprême de dissimuler sa pensée, de masquer ses sentiments. S’il a une âme fortement trempée, le malheur la rendra peut-être belle et combative ; si elle est naturellement faible, elle chavirera, les nerfs prendront le dessus, et le monde comptera un détraqué de plus, ou, du moins, un candidat à la neurasthénie. C’est le manque d’ordre moral qui perd notre génération : il faudrait qu’elle apprenne à emplir avec équité les deux plateaux