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LA HAINE.

folle ! exécrable mère !… (Autre détonation. Retombant, en pleurant à genoux, près de la fontaine.) O Seigneur Dieu ! Dieu bon ! Dieu grand ! Dieu juste !… Je suis seule et je n’ai que lui ! Laisse-le-moi… (On voit au fond, dans la rue Camollin, confusément, dans l’ombre, et à la lueur rougeâtre des torches, un chariot trainé par des bœufs, et tout chargé de morts. Les bourgeois et les femmes s’agenouillent à sa vue.)

PORCIA, effrayée.

Oh !… voyez !… (Elle entraîne d’autres femmes de ce côté, et on entend dans la rue une ou deux voix de femmes poussant des cris déchirants.)

UBERTA

redresse la tête à ces cris, voit le chariot qui disparaît à droite, au fond, et s’élance.

Ah !… S’il était là !… Laissez-moi passer ! laissez-moi !… (Elle écarte tout le monde et disparaît un moment dans la rue du fond. Le bruit du combat se rapproche de plus en plus. — Au même instant, avec de grandes clameurs, du côté où l’on se bat, la voûte de gauche se remplit de Gibelins qui battent en retraite, à reculons, se tenant en défense vers le dehors.)


Scène VII.

Archers Gibelins, Femmes, Bourgeois, puis UBERTA.
COMBATTANTS, sortis de la voûte et montant vivement l’escalier de gauche, avec leurs arbalètes, en bousculant tout.

Place donc ! place !

AUTRES ARCHERS, refluant jusqu’au milieu de la scène, pour charger leurs armes de trait.

Hors d’ici, les femmes !… (D’autres traversent en courant et gagnent la voûte du fond, conduits par un chef qui se fait place brutalement.)

PORCIA.

Ils viennent donc ?

UN ARCHER, qui traverse en courant.

Oui ! La porte est prise !…