Page:Sardou - Les femmes fortes, 1861.djvu/17

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
11
ACTE PREMIER.

LACHAPELLE.

Que la mer lui soit légère ! Et maintenant, mademoiselle, me sera-t-il permis de vous parler un peu de moi ?

CLAIRE.

Mais comment donc, monsieur !…

LACHAPELLE.

Et de vous dire ma surprise, le mois dernier, à mon retour d’Italie, en retrouvant dans la maison de M. Quentin une personne que j’avais eu l’occasion de connaître… et mieux, d’apprécier, dans un milieu bien différent ?

CLAIRE.

Qui donc, monsieur ?

LACHAPELLE.

Mais vous, mademoiselle !

CLAIRE, surprise.

Moi !…

LACHAPELLE.

Il y a deux ans, chez madame de Rochaiguë, ma parente… où je vous fis danser… vous l’avez oublié…, et je devrais l’oublier aussi, car je danse horriblement.

CLAIRE.

En effet, monsieur… je me rappelle maintenant ce danseur…

LACHAPELLE.

Si gauche !… C’était moi !…

CLAIRE.

Que je vous demande pardon de ne pas vous avoir reconnu plus tôt !

LACHAPELLE.

Ah ! mademoiselle, vous étiez entourée ce jour-là de tant d’hommages… il fallait fendre une foule si épaisse pour vous arracher la promesse d’une douzième contredanse…

CLAIRE.

C’est une raillerie ?…

LACHAPELLE, vivement.

Oh ! non ! car vous étiez faite pour cette royauté du bal. Le chant, la danse, les fleurs, les bijoux, tout cela semblait votre domaine, et je ne saurais vous dire mon triste étonnement quand la personne que j’avais connue si brillante et si fêtée s’est offerte ici… à ma vue…

CLAIRE.

À l’état de simple gouvernante.