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Page:Satyre menippee garnier freres 1882.djvu/367

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J’ay tousjours en la souvenance
Sa façon et sa contenance :
Car il sembloit, le regardant,
Ung vray mulet de Président,
Lorsque d’une gravité douce,
Couvert de sa petite housse
Qui jusqu’au bas luy devalloit,
A Poulangis il s’en alloit,
Parmy les sablons et les fanges,
Portant sa maîtresse à vandanges,
Sans jamais broncher d’un seul pas ;
Car Martin souffert ne l’eust pas,
Martin qui tousjours par derrière
Avoit la main sur sa croupière.


Au surplus ung Asne bien faict,
Bien membru, bien gras, bien refaict,
Ung asne doux et débonnaire,
Qui n’avoit rien de l’ordinaire,
Mais qui sentoit aveq raison
Son asne de bonne maison :
Ung asne sans tache et sans vice,
Nay pour faire aux Dames service,
Et non point pour estre sommier
Comme ces porteurs de fumier,
Ces pauvres baudets de village,
Lourdauts, sans cœur et sans courage,
Qui jamais ne prennent leur ton
Qu’à la mesure d’ung baston.


Vostre Asne fut d’autre nature
Et couroit plus belle advanture :
Car, à ce que j’en ay appris,
Il estoit bourgeois de Paris.
Et de faict, par ung long usage,
Il retenoit du badaudage,
Et faisoit ung peu le mutin
Quand on le sangloit trop matin.