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Page:Satyre menippee garnier freres 1882.djvu/381

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sur feuilles, ceste plante devient haute comme un arbre, sans tronc, sans tige, sans branches, et quasy sans racines : de façon qu’on peut la mettre entre les miracles de nature[1]. Y a-t-il rien si semblable et rapportant à la Ligue, qui, d’une feuille, c’est à dire d’un petit commencement, est devenue, pièce à pièce, d’une personne à l’autre, en ceste grande hauteur où nous l’avons veue[2], et neantmoins, par faute d’avoir un bon pied et un fort tige pour la soubstenir, s’en est allée à bas au premier vent ? Ce n’est pas tout. Ce Figuier des Indes, appelle Figuier d’Enfer, produit des fruicts semblables aux figues communes, mais bien plus grosses, finissants par le devant en une couronne (ce sont les propres mots de Mathiol), de couleur entre verte et pourprée, Le dedans n’est qu’une poulpe comme en nos figues, mais pleine d’un suc si rouge qu’il teint les mains comme les meures, et faict uriner rouge comme sang : dont beaucoup de gens ont peur. Avez-vous pas veu que la Ligue a eu de mesmes effects ? Ses fruicts ont esté gros, et plus enflez que les communs, et leur fin estoit une couronne : c’est à sçavoir la Couronne de France, à laquelle elle tendoit. La couleur en estoit verte et rouge : verte, pour resjouissance qu’elle eut de la mort du feu Roy, dont elle a long-temps porté l’escharpe ; et rouge, tant pour se marquer aux livrées des Espagnols que pour le sang qu’elle vouloit espandre des bons François. Ce Figuier d’Enfer est si frequent en

  1. s’agit ici d’une plante grasse bien connue : l’ Opuntia ou Ficus Indica.
  2. dition de l’édition de 1599 : « Esgale à ung grand estat. »