Page:Saurin - Œuvres choisies, Didot, 1812.djvu/43

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Une action d'éclat,

Qui surprit à la fois le peuple et le sénat,

M'imprima pour toujours ses traits dans la mémoire.

Rome de Lucullus célébrait la victoire ;

Pour la première fois j'assistais à ces jeux,

Où le sang prodigué de tant de malheureux

Coule pour le plaisir d'une foule inhumaine.

Mes yeux, avec horreur, se portaient sur l'arène;

D'affreux cris de douleur, de sourds gémissements,

Se mêlaient à la joie, aux applaudissements.

Un Cimbre, dont le front respirant la menace,

D'une large blessure offrait l'horrible trace,

De deux braves Gaulois avait ouvert le flanc ;

Il les foulait aux pieds ; il nageait dans le sang,

Lorsque, pour le malheur et l'opprobre de Rome,

Sur l'arène soudain on vit paraître un homme,

Dont la stature noble et la mâle beauté

Alliaient la jeunesse avec la majesté.

Cet homme avec dédain sur l'arène se couche ;

Il garde en frémissant un silence farouche :

On voit des pleurs de rage échapper de ses yeux.

Plein d'un brutal orgueil, le Cimbre audacieux

Prend ce noble dédain pour amour de la vie,

Le frappe... Celui-ci s'élance avec furie,

Et, présentant le fer à ses yeux effrayés,

De deux horribles coups il l'étend à ses pieds.

Tout le peuple, à grands cris, applaudit sa victoire.

Cet homme alors s'avance, indigné de sa gloire :

« Peuple Romain, dit-il, vous, consuls et sénat,

Qui me voyez frémir de ce honteux combat,

C'est une gloire à vous bien grande, bien insigne ;

Que d'exposer ainsi, sur une arène indigne,

Le sang d'Arioviste à vos gladiateurs !