Page:Saurin - Œuvres choisies, Didot, 1812.djvu/72

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Prenez Rome pour mère, avec vous je m'allie.

Spartacus
À part.

Qu'entends-je ?...

À Crassus.

Quoi ! Seigneur, votre fille Émilie...

Crassus

Elle-même.

Spartacus
À part.

Ah ! Cachons le trouble de mon cœur...

À Crassus.

Crassus abaisserait jusque-là sa hauteur ?

Crassus

On ne s'abaisse point en sauvant sa patrie :

Le plus grand est celui qui plus lui sacrifie ;

Il n'est pour moi d'honneur, d'intérêt que le sien.

Spartacus

De votre fille ainsi joignant le sort au mien,

Et pour Rome et pour moi vous croiriez beaucoup faire ?...

Mais fussé-je sorti du sang le plus vulgaire ;

Je crois qu'au moins l'honneur est égal entre nous,

Si je daigne allier mes victoires à vous...

Pardonnez cet orgueil que le vôtre a fait naître...

Mais voici ma réponse, et vous m'allez connaître :

Émilie est le bien le plus cher à mes yeux ;

De vertu, de beauté chef-d’œuvre précieux,

Elle est l'amour du ciel et l'honneur de la terre ;

Quoique Romaine, enfin, elle m'a trop su plaire ;

C'est vous dire à quel point je la dois estimer :

Mais je serais, Seigneur, indigne de l'aimer,

Elle désavouerait un si honteux empire,

Si votre offre un moment avait pu me séduire,

Si vous m'aviez pu faire un moment balancer.

Pour être digne d'elle il faut y renoncer,

Et ne point immoler, en m'unissant à Rome,

La liberté du monde à l'intérêt d'un homme.