Page:Saurin - Œuvres choisies, Didot, 1812.djvu/79

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Où jadis les Romains n'eurent point de rivaux,

Et qui fit de ce peuple un peuple de héros.

Tu sus vaincre ; il te reste une plus noble gloire ;

Fais croître l'olivier au champ de la victoire.

Rappelle avec la paix nos vertus et nos mœurs :

Venge-toi des Romains en les rendant meilleurs.

Tu suis, en furieux, une aveugle colère ;

Souffre que la raison et te parle et t'éclaire ;

J'ose t'en conjurer, Spartacus, tu le dois,

Pour l'intérêt de tous, pour ta gloire, pour toi...

Pour Émilie enfin ; permets que je me nomme,

Si tu ne me confonds dans ta haine pour Rome.

Spartacus

Qui ? Moi, vous y confondre !... Ô ciel ! Moi, vous haïr !

Ah ! Croyez que mon cœur, tout prêt à se trahir,

Souffre encor plus que vous de tant de résistance :

Plût au ciel que ce cœur, qui se fait violence,

N'eût à sacrifier que son ressentiment !

Maître de se venger, on pardonne aisément ;

Mais des peuples sur moi la liberté se fonde,

Et Rome doit périr pour le salut du monde.

Émilie

Cruel ! c'est donc par moi qu'il te faut commencer.

Tu me vois dans ton camp, mais tu peux bien penser

Que si, pour l'intérêt de la plus noble cause,

Franchissant les devoirs que mon sexe m'impose,

J'ai du salut public fait ma suprême loi,

La mort ou le succès sont ce que je me dois...

Lui montrant un poignard.

Ce poignard....

Spartacus
L'interrompant.

Arrêtez... Ciel !

Émilie
Le poignard levé sur elle.

J'attends ta réponse.

Sauve Rome et mon père, ou je péris... Prononce.

Spartacus

À quel horrible choix...



Scène VI

Albin, Spartacus, Émilie
Albin
À Spartacus.