réglée par des prescriptions analogues à celles qui régissent les collectivités. Or toute loi sociale a deux caractères fondamentaux : elle est impérative et elle est générale ; elle s’impose, et elle s'étend à tous les cas, dans certaines limites de temps et de lieu, bien entendu.
Les lois de la langue répondent-elles à cette définition ? Pour le savoir, la première chose à faire, d'après ce qui vient d'être dit, c’est de séparer une fois de plus les sphères du synchronique et du diachronique. Il y a là deux problèmes qu’on ne doit pas confondre : parler de loi linguistique en général, c’est vouloir étreindre un fantôme.
Voici quelques exemples empruntés au grec, et où les « lois » des deux ordres sont confondues à dessein :
1. Les sonores aspirées de l’indo-européen sont devenues des sourdes aspirées : *dhūmos → thūmós « souffle de vie », *bherō → phérō « je porte », etc.
2. L’accent ne remonte jamais au delà de l’antépénultième.
3. Tous les mots se terminent par une voyelle ou par s, n, r, à l’exclusion de toute autre consonne.
4. s initial devant une voyelle est devenu h (esprit rude) : *septm (latin septem) → heptá.
5. m final a été changé en n : *jugom → zugón (cf. latin jugum[1]).
6. Les occlusives finales sont tombées : *gunaik → gúnai, *epheret → éphere, *epheront → épheron.
La première de ces lois est diachronique : ce qui était dh est devenu th, etc. La seconde exprime un rapport entre l’unité du mot et l’accent, une sorte de contrat entre deux
- ↑ D'après MM. Meillet (Mém. de la Soc. de Lingu., IX, p. 365 et suiv.) et Gauthiot (La fin de mot en indo-européen, p. 158 et suiv.), l'indo-européen ne connaissait que -n final à l'exclusion de -m ; si l’on admet cette théorie, il suffira de formuler ainsi la loi 5 : tout -n final i. e. a été conservé en grec ; sa valeur démonstrative n'en sera pas diminuée, puisque le phénomène phonétique aboutissant à la conservation d'un état ancien est de même nature que celui qui se traduit par un changement (voir p. 200) (Ed.).